mardi 22 septembre 2009

La grippe, l'argent et les incertitudes

This article is based on an the article published in bmj (18 September 2009): Flu's unexpected bonus
En ces temps où l'argent est roi, on fait feu de tout bois. Et la pandémie de grippe s'avère un bon combustible, explique le journaliste du Financial Times, Andrew Jack, dans un article récemment paru dans le journal médical britannique bmj. Les profits engrangés grâce aux ventes de Tamiflu par les firmes pharmaceutiques Roche, qui le commercialise et Gilead (qui en perçoit des royalties) sont considérables. Le journaliste décrit en détail les stratégies employées par certains groupes pharmaceutiques pour "surfer" sur la vague de la pandémie, et revient sur les motivations des politiques pour ouvrir le parapluie sanitaire. En France par exemple, les décideurs politiques n'ont pas envie de refaire l'expérience de la canicule, ce qui est compréhensible...
Si la pandémie s'avère bénigne, des doutes persistent encore quant à son évolution au cours de la seconde vague, attendue cet automne. "Plusieurs groupes pharmaceutiques ont certainement profité de la grippe", conclut Andrew Jack. "Quand à savoir si l'argent dépensé pour la pandémie est justifié ou non, cela dépendra du bilan que l'on en fera une fois qu'elle sera finie, et de savoir si ce bilan aurait pu ou non être prédit à l'avance".
Les plans de pandémies actuellement mis en oeuvre (dont le stockage du tamiflu) ont été développés au cours des 6 dernières années, en réponse à l'émergence d'un virus grippal extrêmement pathogène, le virus aviaire H5N1. Les experts avaient de bonnes raisons de craindre que ce virus ne s'adapte à l'homme et ne devienne pandémique. En quelques mois, il s'était propagé chez les oiseaux domestiques à travers monde, échappant à tout contrôle. La crainte était que ce virus n'évolue pour devenir aussi transmissible que le virus A(H1N1) et provoquer une pandémie aussi sévère que celle de 1918 (grippe espagnole). D'où l'importance accordée à ces plans de pandémie. Bien malin qui aurait pu prédire l'émergence de ce virus A(H1N1)...

dimanche 20 septembre 2009

Pourquoi fermer les écoles ?

This article is an adaptation of the WHO Pandemic (H1N1) 2009 briefing note 10 : «Measures in school settings»

C'est bien connu : les enfants sont les diffuseurs des  épidémies de grippe. Fermer les écoles vise donc à freiner la propagation de l’épidémie dans l’ensemble de la société. Les mathématiciens étudient ce phénomène grâce à des modèles simulant la progression des épidémies en faisant varier différents facteurs tels que sa contagiosité ou la vitesse à laquelle il se propage dans une population donnée. 

Nombre de ces modèles ont été développés au cours des dernières années, en préparation à une éventuelle pandémie au virus aviaire H5N1. Selon leurs estimations, la fermeture des écoles constituerait l’une des mesures de contrôle les plus efficaces, plus efficace par exemple que la fermeture des aéroports . 

Ces modèles sont sans cesse perfectionnés, afin de toujours mieux prendre en compte la réalité. Au cours des derniers mois, les mathématiciens y ont intégré les données spécifiques au virus A(H1N1). Les nouvelles estimations suggèrent qu'en ralentissant la diffusion des épidémies, la fermeture des écoles permettrait d’éviter les afflux trop massifs de malades risquant d’engorger l’accès aux soins, en particulier aux hôpitaux. Pour que cette mesure soit efficace, il faut qu’elle soit mise en place très tôt au cours de l’épidémie. Dans les conditions idéales, elle permettrait de réduire de 30 à 50 % l’afflux de malades aux systèmes de soins. Les modèles en révèlent aussi un effet paradoxal :  de nombreux médecins et infirmières étant eux-mêmes parents, la fermeture des écoles pourraient les contraindre à garder leurs enfants à la maison. Dans ce cas, ils ne seraient plus disponibles pour soigner les malades.  Pas si simple ! 

lundi 14 septembre 2009

La fraude, une face cachée de la recherche médicale

En 2009 a été révélée l'une des plus vastes entreprises de fraude de l'histoire de la médecine. Sur la base de résultats truqués de Scott Ruben, un anesthésiste américain, des millions de doses de médicaments ont été prescrits. Plus de dix années auront été nécessaires pour cette fraude soit révélée au grand jour (1).

La fraude médicale, est d’une manière générale, mal connue. Dans une étude parue en Mai 2009 dans Plos Medecine, 2 % des chercheurs interrogés admettent avoir fabriqué, falsifié ou modifié des résultats (2). Des chiffres qui corroborent les estimations du Dr Frank Wells, co-président du comité d’éthique de la région de Cambridge (Royaume-Uni), et ayant enquêté sur les cas de fraudes suspectes au Royaume-Uni depuis plus de 12 ans (3). Selon lui, 1 à 5% des études cliniques menées au Royaume-Uni seraient concernées par la fraude. Ainsi, sur l’ensemble des études menées à un instant donné, 2000 rapporteraient des résultats frauduleux (4). Les enquêtes révèlent que ces fraudes surviennent à tous les niveaux de la recherche médicale. En 2007 par exemple, un pédiatre Britannique qui menait une étude clinique sur un traitement l’eczéma a pu multiplier le nombre d’enfants recrutés pour son étude, en recueillant auprès des mères deux consentements éclairés : l’un signé sous leur nom marital, et l’autre sous leur nom de jeune fille !

La fraude préoccupe les experts Européens et la première Conférence du Forum Européen pour les bonnes Pratiques Cliniques qui s’est tenu à Prague au printemps dernier, lui a été consacrée (3). L’accent a été mis sur l’importance de comités d'éthiques nationaux, aptes à la combattre. Les experts s'accordent sur la nécessité d'obtenir une vision précise de la situation en Europe, notamment sur la fréquence du phénomène. Il a aussi été question de ceux qui donnent l’alerte whistletblowers pour les anglo-saxons («qui vend la mèche»). Dans le journal médical britannique «bmj», la journaliste Jane Cassidy racontait récemment le parcours de quatre d’entre eux, parfois contraints à l’exil après avoir dénoncé un pair frauduleux (5).

1. Morin H. Un "Dr Madoff" de la pharmacie. Le Monde. 2009 21 March. 2. Fanelli D. How many scientists fabricate and falsify research? A systematic review and meta-analysis of survey data. PLoS One. 2009;4(5):e5738. 3. Wells F. Historical aspects of research misconduct: Europe. In: Wells FFF, editor. Fraud and misconduct in biomedical resaerch. London: RSM Press; 2008. 4. Mary C. Tackling fraud in medical research and scientific communication: A report of the lecture by Dr Frank Wells at the 28th EMWA Conference. The write stuff. 2009;18(2):2. 5. Cassidy J. Name and shame. BMJ. 2009;339:b2693.