dimanche 22 novembre 2009

Nuit gravement à la santé publique

Tribune publiée dans Libération, 3 Novembre 2009.

La grippe H1N1 contre laquelle les Français semblent rechigner à se faire vacciner est tout sauf une «grippette»: elle tue avant tout des enfants, des jeunes adultes dont certains en très bonne santé, et fait peser pour l’hiver à venir un risque d’engorgement des hôpitaux. En cela, sa signature épidémique est bien celle d’une grippe pandémique. Pour preuve, les études parues récemment dans des revues scientifiques (Journal of American Medical Association, New England Journal of Medicine). Plus de 90 % des personnes admises en soins intensifs durant l’hiver austral en Australie et en Nouvelle-Zélande étaient âgées de moins de 65 ans, soit exactement l’inverse de ce qui est observé avec la grippe saisonnière.

Dans plus d’un tiers des cas, ces personnes étaient en parfaite santé et ne présentaient aucun facteur de risque. Pour le reste, il s’agissait de personnes souffrant de diabète, d’obésité, de maladies respiratoires (en particulier l’asthme) ou cardiaques, mais aussi de femmes enceintes (9 % des cas). Durant cet hiver austral, l’admission en soins intensifs pour pneumonie virale était quinze fois plus élevée que durant les hivers précédents. Dans l’autre étude, menée dans plusieurs hôpitaux canadiens, l’âge moyen des personnes en soins intensifs était de seulement 32 ans. Près de 30 % d’entre elles étaient des enfants et 17 % sont décédées. Durant le pic de l’épidémie, en juin dernier au Canada, les capacités de traitement ont frôlé la saturation.

Il faut ignorer tout de la complexité des virus grippaux pour tirer des conclusions hâtives sur cette grippe. Tous les spécialistes savent que durant les précédentes pandémies, la première vague était souvent moins sévère que les suivantes, et rien ne permet de prédire comment ce nouveau virus évoluera. Le risque que le virus H1N1 se mélange avec d’autres virus grippaux d’origine animale n’est pas exclu.

La perception de la grippe H1N1 comme une «grippette» est accompagnée d’un autre phénomène : la propagation de rumeurs électroniques qui, mêlant le vrai et le faux, sabotent les stratégies de vaccination élaborées avec soin pour limiter la sévérité de la pandémie. Tout et n’importe quoi est raconté sur la composition des vaccins, les industriels qui les fabriquent et leur processus d’évaluation. Le mot «adjuvant» est devenu à lui seul un mot magique, cristallisant toutes les peurs et tous les fantasmes liés à la vaccination. Ces rumeurs, qui puisent leur inspiration dans un obscurantisme rampant, sont aussi infondées que l’emploi du mot «grippette». Les propager nuit gravement à la santé publique.

mardi 10 novembre 2009

Mingling fact and fiction seriously damages public health

Published in Libération, 3 Novembre 2009.English translation: Catherine Gabel (Gabel Rejder Associés)

The French population is fighting shy of vaccination. But H1N1 influenza, commonly known as swine flu, is not just a bout of seasonal flu: it kills principally children and youth, including some very healthy individuals, and the outbreak poses a risk of overcrowding in hospitals next winter. In this respect, the signature features certainly point to pandemic influenza.

Proof is provided by studies recently published in scientific journals such as The New England Journal of Medicine and JAMA. Contrary to statistics for seasonal flu, more than 90% of patients with H1N1 infection admitted to intensive care units in Australia and New Zealand during the winter were under 65. Over one-third of these individuals were in perfectly good health, with no risk factors. The remainder suffered from diabetes, obesity, cardiac or respiratory diseases (particularly asthma) or were pregnant women (9%). During that southern hemisphere winter, admissions for viral pneumonia were fifteen times higher than in previous winters.

A further study, conducted in Canadian hospitals, revealed that the average age of admissions in intensive care was only 32. Some 30% were children and 17% died. Treatment capacity during the epidemic peak in June 2009 almost reached saturation point in several hospitals.

Drawing too hasty conclusions on the new type of influenza implies being completely in the dark on the complexities of flu viruses. All the specialists know, from previous pandemics, that the initial wave is often less severe than subsequent waves; and there is no way of forecasting how the new virus will evolve. The risk that H1N1 may combine with other influenza viruses of animal origin cannot be ruled out.

Considering swine flu as ‘just a bout of seasonal flu’ provides fertile ground for electronic rumours to spread. By mingling fact and fiction, they sabotage the vaccination strategies implemented to mitigate the pandemic’s severity: people say anything and everything about the composition of the vaccines, the manufacturers who produce them and their evaluation processes. The word ‘adjuvant’ itself has become a magic word, crystallising the current vaccination fantasies.

These rumours, which stem from rampant obscurantism, are as groundless as thinking that this is just a bout of seasonal flu. And spreading them seriously damages public health.

mardi 22 septembre 2009

La grippe, l'argent et les incertitudes

This article is based on an the article published in bmj (18 September 2009): Flu's unexpected bonus
En ces temps où l'argent est roi, on fait feu de tout bois. Et la pandémie de grippe s'avère un bon combustible, explique le journaliste du Financial Times, Andrew Jack, dans un article récemment paru dans le journal médical britannique bmj. Les profits engrangés grâce aux ventes de Tamiflu par les firmes pharmaceutiques Roche, qui le commercialise et Gilead (qui en perçoit des royalties) sont considérables. Le journaliste décrit en détail les stratégies employées par certains groupes pharmaceutiques pour "surfer" sur la vague de la pandémie, et revient sur les motivations des politiques pour ouvrir le parapluie sanitaire. En France par exemple, les décideurs politiques n'ont pas envie de refaire l'expérience de la canicule, ce qui est compréhensible...
Si la pandémie s'avère bénigne, des doutes persistent encore quant à son évolution au cours de la seconde vague, attendue cet automne. "Plusieurs groupes pharmaceutiques ont certainement profité de la grippe", conclut Andrew Jack. "Quand à savoir si l'argent dépensé pour la pandémie est justifié ou non, cela dépendra du bilan que l'on en fera une fois qu'elle sera finie, et de savoir si ce bilan aurait pu ou non être prédit à l'avance".
Les plans de pandémies actuellement mis en oeuvre (dont le stockage du tamiflu) ont été développés au cours des 6 dernières années, en réponse à l'émergence d'un virus grippal extrêmement pathogène, le virus aviaire H5N1. Les experts avaient de bonnes raisons de craindre que ce virus ne s'adapte à l'homme et ne devienne pandémique. En quelques mois, il s'était propagé chez les oiseaux domestiques à travers monde, échappant à tout contrôle. La crainte était que ce virus n'évolue pour devenir aussi transmissible que le virus A(H1N1) et provoquer une pandémie aussi sévère que celle de 1918 (grippe espagnole). D'où l'importance accordée à ces plans de pandémie. Bien malin qui aurait pu prédire l'émergence de ce virus A(H1N1)...

dimanche 20 septembre 2009

Pourquoi fermer les écoles ?

This article is an adaptation of the WHO Pandemic (H1N1) 2009 briefing note 10 : «Measures in school settings»

C'est bien connu : les enfants sont les diffuseurs des  épidémies de grippe. Fermer les écoles vise donc à freiner la propagation de l’épidémie dans l’ensemble de la société. Les mathématiciens étudient ce phénomène grâce à des modèles simulant la progression des épidémies en faisant varier différents facteurs tels que sa contagiosité ou la vitesse à laquelle il se propage dans une population donnée. 

Nombre de ces modèles ont été développés au cours des dernières années, en préparation à une éventuelle pandémie au virus aviaire H5N1. Selon leurs estimations, la fermeture des écoles constituerait l’une des mesures de contrôle les plus efficaces, plus efficace par exemple que la fermeture des aéroports . 

Ces modèles sont sans cesse perfectionnés, afin de toujours mieux prendre en compte la réalité. Au cours des derniers mois, les mathématiciens y ont intégré les données spécifiques au virus A(H1N1). Les nouvelles estimations suggèrent qu'en ralentissant la diffusion des épidémies, la fermeture des écoles permettrait d’éviter les afflux trop massifs de malades risquant d’engorger l’accès aux soins, en particulier aux hôpitaux. Pour que cette mesure soit efficace, il faut qu’elle soit mise en place très tôt au cours de l’épidémie. Dans les conditions idéales, elle permettrait de réduire de 30 à 50 % l’afflux de malades aux systèmes de soins. Les modèles en révèlent aussi un effet paradoxal :  de nombreux médecins et infirmières étant eux-mêmes parents, la fermeture des écoles pourraient les contraindre à garder leurs enfants à la maison. Dans ce cas, ils ne seraient plus disponibles pour soigner les malades.  Pas si simple ! 

lundi 14 septembre 2009

La fraude, une face cachée de la recherche médicale

En 2009 a été révélée l'une des plus vastes entreprises de fraude de l'histoire de la médecine. Sur la base de résultats truqués de Scott Ruben, un anesthésiste américain, des millions de doses de médicaments ont été prescrits. Plus de dix années auront été nécessaires pour cette fraude soit révélée au grand jour (1).

La fraude médicale, est d’une manière générale, mal connue. Dans une étude parue en Mai 2009 dans Plos Medecine, 2 % des chercheurs interrogés admettent avoir fabriqué, falsifié ou modifié des résultats (2). Des chiffres qui corroborent les estimations du Dr Frank Wells, co-président du comité d’éthique de la région de Cambridge (Royaume-Uni), et ayant enquêté sur les cas de fraudes suspectes au Royaume-Uni depuis plus de 12 ans (3). Selon lui, 1 à 5% des études cliniques menées au Royaume-Uni seraient concernées par la fraude. Ainsi, sur l’ensemble des études menées à un instant donné, 2000 rapporteraient des résultats frauduleux (4). Les enquêtes révèlent que ces fraudes surviennent à tous les niveaux de la recherche médicale. En 2007 par exemple, un pédiatre Britannique qui menait une étude clinique sur un traitement l’eczéma a pu multiplier le nombre d’enfants recrutés pour son étude, en recueillant auprès des mères deux consentements éclairés : l’un signé sous leur nom marital, et l’autre sous leur nom de jeune fille !

La fraude préoccupe les experts Européens et la première Conférence du Forum Européen pour les bonnes Pratiques Cliniques qui s’est tenu à Prague au printemps dernier, lui a été consacrée (3). L’accent a été mis sur l’importance de comités d'éthiques nationaux, aptes à la combattre. Les experts s'accordent sur la nécessité d'obtenir une vision précise de la situation en Europe, notamment sur la fréquence du phénomène. Il a aussi été question de ceux qui donnent l’alerte whistletblowers pour les anglo-saxons («qui vend la mèche»). Dans le journal médical britannique «bmj», la journaliste Jane Cassidy racontait récemment le parcours de quatre d’entre eux, parfois contraints à l’exil après avoir dénoncé un pair frauduleux (5).

1. Morin H. Un "Dr Madoff" de la pharmacie. Le Monde. 2009 21 March. 2. Fanelli D. How many scientists fabricate and falsify research? A systematic review and meta-analysis of survey data. PLoS One. 2009;4(5):e5738. 3. Wells F. Historical aspects of research misconduct: Europe. In: Wells FFF, editor. Fraud and misconduct in biomedical resaerch. London: RSM Press; 2008. 4. Mary C. Tackling fraud in medical research and scientific communication: A report of the lecture by Dr Frank Wells at the 28th EMWA Conference. The write stuff. 2009;18(2):2. 5. Cassidy J. Name and shame. BMJ. 2009;339:b2693.

vendredi 21 août 2009

Grippe A(H1N1): l'appel à l'action du 17 août 2009

L'OMS, le FICR, l'UNSIC, l'OCHA et l'UNICEF et les Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge appellent à l'action pour réduire l'impact de la pandémie de grippe A/(H1N1) dans les pays les plus pauvres afin de :

  • Identifier les populations parmi lesquelles le risque de maladie et de mortalité est le plus élevé
  • Limiter la mortalité en traitant les maladies respiratoires aiguës et la pneumonie
  • Limiter la propagation de la maladie
  • Maintenir les services essentiels et se préparer au pire
  • Planifier et coordonner les efforts

dimanche 21 juin 2009

Dealing with the uncertainties of the new influenza A/H1N1 virus

This article is an abstract of an article of this blog entitled "La sévérité de la pandémie au virus A/H1N1 au coeur des incertitudes".

“Influenza viruses are the ultimate moving target. Their behavior is notoriously unpredictable. The behavior of pandemics is as unpredictable as the viruses that causes them", stressed Margaret Chan last May in her address at the 62nd World Health Organization (WHO) World Health Assembly- the WHO's supreme decision making body (1). Articles recently published in the scientific literature have shed light on several reasons why the evolution of the new A/H1N1 influenza virus is feared.  (2,3,4,5). They also have drawn attention to the fact that despite the fact that the disease severity has been mild in industrialized countries, severe cases may occur with a higher incidence in vulnerable populations. Those with malnutrition, chronic infections such as HIV and other comorbidities may be particularly vulnerable (2). Authors of a recent article in the New England Journal of Medicine stress the need for strengthened worldwide influenza surveillance both in humans and in animals (5). 

(1) Address on 18 May 2009 in Geneva, Switzerland of the 62nd World Health Assembly- the WHO's supreme decision making body(2) Human infection with new influenza A (H1N1) virus: clinical observations from Mexico and other affected countries, May 2009. Wkly Epidemiol Rec 2009 May 22;84(21):185-9.[1]  (3)Melidou A, Gioula G, Exindari M, Chatzidimitriou D, Diza-Mataftsi E. Influenza A(H5N1): an overview of the current situation. Euro Surveill 2009;14(20). (4) Vicente D, Cilla G, Montes M, Mendiola J, Perez-Trallero E. Rapid spread of drug-resistant influenza A viruses in the Basque Country, northern Spain, 2000-1 to 2008-9. Euro Surveill 2009;14(20) (5) Lipsitch M, Riley S, Cauchemez S, Ghani AC, Ferguson NM. Managing and Reducing Uncertainty in an Emerging Influenza Pandemic. N Engl J Med 2009 May 28.

dimanche 7 juin 2009

Incertitudes sur l'évolution de la pandémie au virus A/H1N1

 "Les virus de la grippe sont des cibles mouvantes. Leur comportement est notoirement imprévisible. Le comportement des pandémies est aussi imprévisible que les virus qui les causent", déclarait le 18 Mai dernier le Directeur Général de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Margaret Chan. Le virus de la grippe est instable : il s'adapte en permanence à son hôte afin de lui échapper. Le nouveau virus A/H1NI l’est d'autant plus qu'il vient d'émerger dans la population humaine. "D"un point de vue historique, les virus pandémiques ont évolué entre les différentes saisons, et la souche actuelle peut devenir plus sévère ou transmissible dans les mois à venir", rappellent les auteurs d'un récent article publié dans le New England Journal of Medicine (NEJM) (5).

Il existe une infinité de scénarios possibles d’évolution du virus A/H1N1, pouvant combiner des mutations génétiques et l'échange de gènes avec d'autres virus grippaux, dont le virus aviaire H5N1 établi chez les oiseaux domestiques dans de nombreuses régions du monde, notamment l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient (3). Le virus H5N1 ne se transmet pas d'homme à homme mais son infection est mortelle dans plus de 60 % des cas. Un porc infecté par ces deux virus pourrait servir de creuset, permettant l'émergence d'un virus aussi contagieux que le nouveau virus A/H1N1 et aussi pathogène que le virus aviaire H5N1 (3). Le virus A/H1N1 pourrait aussi évoluer pour devenir résistant aux traitements antiviraux, notamment le Tamiflu®, comme cela a été observé pour une souche de virus de la grippe saisonnière A/H1N1, au cours de la saison 2008-09 (4). 

L'évolution de l'épidémie actuelle est elle-même incertaine et l’OMS met en garde contre la notion d’épidémie "modérée". Dans les pays en développement, l’épidémie pourrait s'avérer beaucoup plus sévère en raison de facteurs fragilisants comme l'infection à VIH ou la malnutrition (2). 

"Si nous étions sûrs que l'infection demeurait modérée dans la plupart des cas, ces incertitudes seraient similaires à celles que nous tolérons au cours d'une saison grippale normale", précisent encore les auteurs  de l’article du NEJM (5). Dans la situation actuelle, la surveillance de la grippe tant chez l'homme que chez les animaux est d’autant plus cruciale, dans toutes les régions du monde (5). 

 (1) Discours prononcé le 18 May 2009 au cours de la 62e réunion annuelle de l'Assemblée Mondiale de la santé. Cette assemblée constitue l'instance suprême de décision de l'OMS. (2) Human infection with new influenza A (H1N1) virus: clinical observations from Mexico and other affected countries, May 2009. Wkly Epidemiol Rec 2009 May 22;84(21):185-9.[1]  (3) Melidou A, Gioula G, Exindari M, Chatzidimitriou D, Diza-Mataftsi E. Influenza A(H5N1): an overview of the current situation. Euro Surveill 2009;14(20). (4) Vicente D, Cilla G, Montes M, Mendiola J, Perez-Trallero E. Rapid spread of drug-resistant influenza A viruses in the Basque Country, northern Spain, 2000-1 to 2008-9. Euro Surveill 2009;14(20). (5) Lipsitch M, Riley S, Cauchemez S, Ghani AC, Ferguson NM. Managing and Reducing Uncertainty in an Emerging Influenza Pandemic. N Engl J Med 2009 May 28.

mercredi 3 juin 2009

Quand le nom échappe

La confusion des noms donnés au nouveau virus A/H1N1 est à la hauteur des incertitudes qui le concernent. Dans un article récent de la revue Eurosurveillance, l'équipe éditoriale du Centre Européen de Contrôle des Maladies (ECDC) passe en revue les différents noms qui lui ont été attribués depuis son émergence.
D'un point de vue scientifique rappelle l'ECDC, il existe une nomenclature bien précise. Une souche virale isolée chez un patient Californien en 2009 serait par exemple baptisée "influenza A/California/4/2009(H1N1)swl". La situation se corse quand il s'agit du nom vernaculaire.  Outre les levées de boucliers qu'il a suscité, le terme "grippe porcine" ne convient ni d'un point de vue scientifique, ni d'un point de vue médical.  Ce virus est bien d'origine porcine. Mais il est devenu un virus humain car il se transmet d'homme à homme. Parler de "grippe A/H1N" sous-entendrait qu'il s'agit d'un virus saisonnier alors qu'il comporte les caractéristiques d'un virus émergent. Et tant que la pandémie n'est pas déclarée, on ne peut pas parler de virus "pandémique". 
To baptise a virus and its disease. Euro Surveill 2009;14(21). 
Sur le même sujet, voir l'article de Martin Enserink Swine flu names evolving faster than Swine Flu itself. Science Insider. 8 May 2009. 

lundi 18 mai 2009

Ghostwriting, des plumes dans l'ombre

Dans le "voyage de Chihiro", film d'animation de Hayio Miyasaki , la reine Yubaba prive de leurs noms ceux qui pénètrent dans le Royaume des Mille Bains (image ci-contre). Ils se transforment alors en ombres fantomatiques. Pour échapper à ce sortilège, Chihiro entreprend un voyage initiatique au terme duquel elle reprendra son nom.
La pratique du "ghostwriting" (ou "écriture fantôme") pose à la communauté scientifique, un problème éthique majeur et certains n'hésitent à la qualifier de "mauvaise conduite scientifique".
De nombreux articles publiés dans la littérature scientifique ne sont pas rédigés par les auteurs qui les signent mais par des professionnels de la rédaction scientifique, ou "medical writer". Bien utilisée, cette pratique permet la publication de résultats qui ne l'auraient pas été autrement, faute de temps pour les écrire. Dans ce cas, le medical writer peut-être considéré comme un professionnel de la mise en forme, l'essentiel de la contribution intellectuelle revenant aux experts qui ont généré les résultats.
Où commence la contribution intellectuelle du medical writer ? A partir de quel moment doit-il être considéré comme un auteur ? Là réside toute l'ambiguïté de cette pratique. Dans les pires des cas, un article scientifique est construit de toute pièce selon un argumentaire commercial rédigé par un medical writer, puis publié sous le nom d'un expert invité. Les anglos-saxon utilisent alors l'expression "Guest and Ghost".
Par volonté de transparence, des éditeurs scientifiques de plus en plus nombreux exigent que la contribution du medical writer soit précisément décrite dans la partie "remerciements" des articles scientifiques, afin de pouvoir trancher sur leur statut. Dans un article récemment paru dans la revue Plos Medicine "What should be done to tackle ghostwriting in the medical litterature?", éditeurs scientifiques, experts médicaux et rédacteurs médicaux sont invités à débattre sur le sujet.

jeudi 14 mai 2009

Le nouveau virus A/H1N1 se propage plus vite que celui de la grippe saisonnière

Le potentiel pandémique du nouveau virus A/H1N1 est bien réel et la pandémie qu'il pourrait provoquer ressemblerait plus à celle de 1957 qu'à celle de 1918. C'est ce que révèle les premières analyses, dont les résultats ont été publiés le 11 Mai dans la revue Science
Ces analyses portent à la fois sur l'épidémie au Mexique et sur les caractéristiques génétiques du virus. Elles résultent d'une collaboration entre l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les autorités sanitaires Mexicaines et des chercheurs en modélisation mathématique, dont une équipe de l'Impérial Collège de Londres (Royaume-Uni), réputée pour ses modèles mathématiques de la diffusion du virus grippal. 
Les chercheurs ont ainsi estimé la transmissibilité du virus, un paramètre dénommé R0. Suivant cette première estimation, la valeur de R0 se situerait entre  1,4 à 1,6 soit plus élevée que celle des virus annuels, mais plus proche de de celle du virus de la pandémie modérée de 1957 que de celui de la grippe espagnole.  
Cette première estimation est essentielle pour comprendre la propagation de ce nouveau virus, et anticiper sur l'efficacité des moyens de contrôle. D'après les modélisations mathématiques précédentes, la valeur de R0 est un facteur déterminant pour l'efficacité de stratégies visant à combiner différents moyens tels que la fermeture des écoles, les médicament antiviraux et les vaccins (1,2,3).
Les auteurs concluent qu'à cette valeur de R0, les politiques de contrôle actuellement mises en place devraient être efficaces. Le Centre de Contrôle et de Prévention des maladies (CDC, Etats-Unis) considère pour sa part, la fermeture des écoles comme une mesure envisageable face à l'épidémie due au nouveau virus A/H1N1. Une augmentation importante des cas de syndromes grippaux  est observée dans les écoles de New York et de Huston.
Les cas confirmés ne représentant que la partie émergée de l'iceberg. Dans l'article de Science, les chercheurs estiment qu'entre 6000 et 32000 personnes auraient été infectées au Mexique par le nouveau virus A/H1N1. Aux Etats-Unis, le CDC avance le chiffre de 100 000 cas, d'après le sursaut de l'activité grippale observée par les réseaux de surveillance de la grippe dans les différents états du pays.

(1) N. M. Ferguson et al., Nature 442, 448 (2006).

(2) T. C. Germann, K. Kadau, I. M. Longini, Jr., C. A.Macken, Proc Natl Acad Sci U S A 103, 5935 (2006).

(3) Halloran ME, Ferguson NM, Eubank S, Longini IM, Jr., Cummings DA, Lewis B, et al. Modeling targeted layered containment of an influenza pandemic in the United States. Proc Natl Acad Sci U S A 2008 Mar 25;105(12):4639-44.

jeudi 7 mai 2009

Pourquoi la grippe A/H1N1 est-elle atypique?

L'épidémie de grippe A/H1N1 est atypique, explique le Centre de Contrôle des maladies infectieuses (CDC, Etats-Unis) dans le numéro de son bulletin hebdomadaire daté du 6 Mai 2009: 
  • Le pourcentage de cas sévères est plus élevé que lors des épidémies annuelles
  • Ces cas surviennent surtout chez les adultes et les enfants atteints de maladies chroniques, tandis que la majorité des cas sévères de la grippe annuelle surviennent chez les nourrissons et les personnes âgés  (90% des décès liés à la grippe annuelle surviennent chez ceux de plus de 65 ans).
  • Les femmes enceintes sont particulièrement à risque, ce qui est aussi atypique.
Le CDC précise que le bilan est provisoire. On ne connaît pas le nombre de personnes ayant été infectées à travers le monde et il est possible que les personnes âgés n'aient pas été exposées au virus. Ainsi l'apparence de l'épidémie pourrait être trompeuse. Avec l'arrivée de l'hiver dans l'hémisphère sud, les conditions vont devenir propices à la transmission de tous les virus de la grippe y compris le virus A/H1N1.  Le CDC rappelle aussi que dans les zones tropicales, le virus de la grippe circule tout au long de l'année.

mercredi 29 avril 2009

Les virus « gagnants »

Un virus de la grippe devient pandémique s’il acquiert la combinaison «gagnante». Les virus évoluent en permanence et celui de la grippe est hypervariable. On en distingue 15 grandes familles, de H1 à H15. A l’intérieur de chacune de ces familles, il existe encore des milliards de “souches virales” qui se différencient, entre autres, par leur capacité à infecter tel ou tel hôte et par leur pouvoir pathogène. Certains virus infectent l’homme et d’autres les animaux, dont de nombreuses espèces d’oiseaux ainsi que le porc, le phoque, le cheval, le chat. Les oiseaux sauvages sont le réservoir des virus de la grippe. A partir de ce réservoir, ils peuvent être transmis à d’autres espèces animales ou à l’homme, et s’y adapter. Le porc est considéré comme un creuset où se mélangent les virus des hommes et ceux des oiseaux. De ces brassages, surgissent une multitude de combinaisons de virus. Il arrive que l’une s’avère «gagnante» à cette loterie de la nature et parvienne à se propager dans la population humaine. C'est le cas du nouveau virus A/H1N1. Quelle sera l'ampleur de cette propagation ? Quelle est la dangerosité de ce virus ? Les réponses à ces questions sont cruciales pour anticiper sur l'évolution de cette situation.