lundi 18 mai 2009

Ghostwriting, des plumes dans l'ombre

Dans le "voyage de Chihiro", film d'animation de Hayio Miyasaki , la reine Yubaba prive de leurs noms ceux qui pénètrent dans le Royaume des Mille Bains (image ci-contre). Ils se transforment alors en ombres fantomatiques. Pour échapper à ce sortilège, Chihiro entreprend un voyage initiatique au terme duquel elle reprendra son nom.
La pratique du "ghostwriting" (ou "écriture fantôme") pose à la communauté scientifique, un problème éthique majeur et certains n'hésitent à la qualifier de "mauvaise conduite scientifique".
De nombreux articles publiés dans la littérature scientifique ne sont pas rédigés par les auteurs qui les signent mais par des professionnels de la rédaction scientifique, ou "medical writer". Bien utilisée, cette pratique permet la publication de résultats qui ne l'auraient pas été autrement, faute de temps pour les écrire. Dans ce cas, le medical writer peut-être considéré comme un professionnel de la mise en forme, l'essentiel de la contribution intellectuelle revenant aux experts qui ont généré les résultats.
Où commence la contribution intellectuelle du medical writer ? A partir de quel moment doit-il être considéré comme un auteur ? Là réside toute l'ambiguïté de cette pratique. Dans les pires des cas, un article scientifique est construit de toute pièce selon un argumentaire commercial rédigé par un medical writer, puis publié sous le nom d'un expert invité. Les anglos-saxon utilisent alors l'expression "Guest and Ghost".
Par volonté de transparence, des éditeurs scientifiques de plus en plus nombreux exigent que la contribution du medical writer soit précisément décrite dans la partie "remerciements" des articles scientifiques, afin de pouvoir trancher sur leur statut. Dans un article récemment paru dans la revue Plos Medicine "What should be done to tackle ghostwriting in the medical litterature?", éditeurs scientifiques, experts médicaux et rédacteurs médicaux sont invités à débattre sur le sujet.

jeudi 14 mai 2009

Le nouveau virus A/H1N1 se propage plus vite que celui de la grippe saisonnière

Le potentiel pandémique du nouveau virus A/H1N1 est bien réel et la pandémie qu'il pourrait provoquer ressemblerait plus à celle de 1957 qu'à celle de 1918. C'est ce que révèle les premières analyses, dont les résultats ont été publiés le 11 Mai dans la revue Science
Ces analyses portent à la fois sur l'épidémie au Mexique et sur les caractéristiques génétiques du virus. Elles résultent d'une collaboration entre l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les autorités sanitaires Mexicaines et des chercheurs en modélisation mathématique, dont une équipe de l'Impérial Collège de Londres (Royaume-Uni), réputée pour ses modèles mathématiques de la diffusion du virus grippal. 
Les chercheurs ont ainsi estimé la transmissibilité du virus, un paramètre dénommé R0. Suivant cette première estimation, la valeur de R0 se situerait entre  1,4 à 1,6 soit plus élevée que celle des virus annuels, mais plus proche de de celle du virus de la pandémie modérée de 1957 que de celui de la grippe espagnole.  
Cette première estimation est essentielle pour comprendre la propagation de ce nouveau virus, et anticiper sur l'efficacité des moyens de contrôle. D'après les modélisations mathématiques précédentes, la valeur de R0 est un facteur déterminant pour l'efficacité de stratégies visant à combiner différents moyens tels que la fermeture des écoles, les médicament antiviraux et les vaccins (1,2,3).
Les auteurs concluent qu'à cette valeur de R0, les politiques de contrôle actuellement mises en place devraient être efficaces. Le Centre de Contrôle et de Prévention des maladies (CDC, Etats-Unis) considère pour sa part, la fermeture des écoles comme une mesure envisageable face à l'épidémie due au nouveau virus A/H1N1. Une augmentation importante des cas de syndromes grippaux  est observée dans les écoles de New York et de Huston.
Les cas confirmés ne représentant que la partie émergée de l'iceberg. Dans l'article de Science, les chercheurs estiment qu'entre 6000 et 32000 personnes auraient été infectées au Mexique par le nouveau virus A/H1N1. Aux Etats-Unis, le CDC avance le chiffre de 100 000 cas, d'après le sursaut de l'activité grippale observée par les réseaux de surveillance de la grippe dans les différents états du pays.

(1) N. M. Ferguson et al., Nature 442, 448 (2006).

(2) T. C. Germann, K. Kadau, I. M. Longini, Jr., C. A.Macken, Proc Natl Acad Sci U S A 103, 5935 (2006).

(3) Halloran ME, Ferguson NM, Eubank S, Longini IM, Jr., Cummings DA, Lewis B, et al. Modeling targeted layered containment of an influenza pandemic in the United States. Proc Natl Acad Sci U S A 2008 Mar 25;105(12):4639-44.

jeudi 7 mai 2009

Pourquoi la grippe A/H1N1 est-elle atypique?

L'épidémie de grippe A/H1N1 est atypique, explique le Centre de Contrôle des maladies infectieuses (CDC, Etats-Unis) dans le numéro de son bulletin hebdomadaire daté du 6 Mai 2009: 
  • Le pourcentage de cas sévères est plus élevé que lors des épidémies annuelles
  • Ces cas surviennent surtout chez les adultes et les enfants atteints de maladies chroniques, tandis que la majorité des cas sévères de la grippe annuelle surviennent chez les nourrissons et les personnes âgés  (90% des décès liés à la grippe annuelle surviennent chez ceux de plus de 65 ans).
  • Les femmes enceintes sont particulièrement à risque, ce qui est aussi atypique.
Le CDC précise que le bilan est provisoire. On ne connaît pas le nombre de personnes ayant été infectées à travers le monde et il est possible que les personnes âgés n'aient pas été exposées au virus. Ainsi l'apparence de l'épidémie pourrait être trompeuse. Avec l'arrivée de l'hiver dans l'hémisphère sud, les conditions vont devenir propices à la transmission de tous les virus de la grippe y compris le virus A/H1N1.  Le CDC rappelle aussi que dans les zones tropicales, le virus de la grippe circule tout au long de l'année.