dimanche 7 juin 2009

Incertitudes sur l'évolution de la pandémie au virus A/H1N1

 "Les virus de la grippe sont des cibles mouvantes. Leur comportement est notoirement imprévisible. Le comportement des pandémies est aussi imprévisible que les virus qui les causent", déclarait le 18 Mai dernier le Directeur Général de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Margaret Chan. Le virus de la grippe est instable : il s'adapte en permanence à son hôte afin de lui échapper. Le nouveau virus A/H1NI l’est d'autant plus qu'il vient d'émerger dans la population humaine. "D"un point de vue historique, les virus pandémiques ont évolué entre les différentes saisons, et la souche actuelle peut devenir plus sévère ou transmissible dans les mois à venir", rappellent les auteurs d'un récent article publié dans le New England Journal of Medicine (NEJM) (5).

Il existe une infinité de scénarios possibles d’évolution du virus A/H1N1, pouvant combiner des mutations génétiques et l'échange de gènes avec d'autres virus grippaux, dont le virus aviaire H5N1 établi chez les oiseaux domestiques dans de nombreuses régions du monde, notamment l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient (3). Le virus H5N1 ne se transmet pas d'homme à homme mais son infection est mortelle dans plus de 60 % des cas. Un porc infecté par ces deux virus pourrait servir de creuset, permettant l'émergence d'un virus aussi contagieux que le nouveau virus A/H1N1 et aussi pathogène que le virus aviaire H5N1 (3). Le virus A/H1N1 pourrait aussi évoluer pour devenir résistant aux traitements antiviraux, notamment le Tamiflu®, comme cela a été observé pour une souche de virus de la grippe saisonnière A/H1N1, au cours de la saison 2008-09 (4). 

L'évolution de l'épidémie actuelle est elle-même incertaine et l’OMS met en garde contre la notion d’épidémie "modérée". Dans les pays en développement, l’épidémie pourrait s'avérer beaucoup plus sévère en raison de facteurs fragilisants comme l'infection à VIH ou la malnutrition (2). 

"Si nous étions sûrs que l'infection demeurait modérée dans la plupart des cas, ces incertitudes seraient similaires à celles que nous tolérons au cours d'une saison grippale normale", précisent encore les auteurs  de l’article du NEJM (5). Dans la situation actuelle, la surveillance de la grippe tant chez l'homme que chez les animaux est d’autant plus cruciale, dans toutes les régions du monde (5). 

 (1) Discours prononcé le 18 May 2009 au cours de la 62e réunion annuelle de l'Assemblée Mondiale de la santé. Cette assemblée constitue l'instance suprême de décision de l'OMS. (2) Human infection with new influenza A (H1N1) virus: clinical observations from Mexico and other affected countries, May 2009. Wkly Epidemiol Rec 2009 May 22;84(21):185-9.[1]  (3) Melidou A, Gioula G, Exindari M, Chatzidimitriou D, Diza-Mataftsi E. Influenza A(H5N1): an overview of the current situation. Euro Surveill 2009;14(20). (4) Vicente D, Cilla G, Montes M, Mendiola J, Perez-Trallero E. Rapid spread of drug-resistant influenza A viruses in the Basque Country, northern Spain, 2000-1 to 2008-9. Euro Surveill 2009;14(20). (5) Lipsitch M, Riley S, Cauchemez S, Ghani AC, Ferguson NM. Managing and Reducing Uncertainty in an Emerging Influenza Pandemic. N Engl J Med 2009 May 28.